Troisième poète maudit inscrit sur les carnets de Verlaine, un peu maltraité par notre époque qui en a fait un hermétique un peu pompeux, un intello, Etienne dit Stéphane porte son nom qui est déjà un poème comme une étiquette sur une boite: Mallarmé, il l’aura été face à la veulerie de l’existence et à la grossièreté de ses contemporains. Mallarmé le professeur d’anglais par nécessité, dépressif, maltraité par des élèves assez loin de l’azur, Mallarmé l’admirable né à Paris en 1842 sous le règne de Balzac, Hugo et Eugène Sue, mort en 1898, juste à temps pour être dans le bon camps, celui des dreyfusards. Mallarmé qui n’aura jamais baissé les armes face au vertige de l’absurde et à la recherche de l’horizon. A la mort de Verlaine il se voit attribuer le titre secret de prince des poètes, il n’exercera son règne que 2 ans.
C’est que Mallarmé l’amoureux de l’art pour l’art, le membre du parnasse contemporain, ne fait pas semblant. Il cherche dans la beauté pure un remède au mal qui le ronge et le laisse pantois d’impuissance. L’absurdité de la dépression, alors encore mal envisagée par la médecine et le monde, lui impose un ordre intime, celui de la beauté qui sauve, du remède nécessaire, puisque « le monde est fait pour aboutir à un beau livre ».
Et il le cherchera toute sa vie ce poème absolu dans une lutte contre et avec la forme, puisqu’un coup de dé jamais n’abolira le hasard. De la lecture d’Hegel, Mallarmé retient que, si « le Ciel est mort », le néant est un point de départ qui conduit au Beau et à l’Idéal. Ce travail de taupe vers l’azur ouvrira un sillon qui marquera bien sur la poésie jusqu’à Paul Valery et Yves Bonnefoy, mais aussi la musique avec Debussy et Ravel, nos deux gloires nationales.
Brise Marine, sans doute le plus célèbre de ses poèmes, parle beaucoup de l’homme: paru un première fois en 1866, il fut plus de huit fois modifié avant sa parution définitive en 1887. Il ouvre sur le constat de l’ennui absolu, puisque la chaire est triste et les histoires toutes les mêmes, et il nous emmène dans le rêve d’une fuite, une fuite nécessairement pure, une ligne lumineuse parce que sans objets autres qu’elle même, un horizon qui est à la fois le sujet et l’objet de la Poésie, c’est-à-dire la poésie elle même.